A 41 ans, Nicolas faisait le métier qui lui plaisait. Il avait créé son entreprise dans la restauration et l’indépendance lui convenait parfaitement. Au début de sa carrière, il avait travaillé comme vendeur dans deux entreprises différentes. La première lui laissait toute liberté dans l’organisation de ses journées et des relations avec ses clients. Il y avait été très heureux. Le patron de la deuxième entreprise lui dictait sa conduite. Ce fut une brève mais très désagréable expérience qui lui servit de leçon : il allait tout faire pour être son propre patron et le rester.
--
Nicolas fit appel à mes services car son entreprise était en difficulté et il sentait confusément que son comportement était à l’origine de ses problèmes. Nous commençâmes par discuter de ses traits de caractère.
-
Nicolas avait senti lors de ses expériences professionnelles passées, son goût pour l'autodétermination et l’indépendance. Il eut un peu de difficulté à se voir tel que je le voyais c'est-à-dire un homme fait pour construire, organiser avec rigueur et exercer un pouvoir fort. Il me raconta que son père avait été très autoritaire et qu’il s’était opposé à lui au point de demander à partir en pension à l’âge de 13 ans et de passer toutes ses vacances chez des amis. Il avait souffert de leur mauvaise relation et il faisait tout pour ne pas lui ressembler.
-
Il y parvenait car son comportement était très différent de celui de son père. Très affable, il souriait en permanence et n’élevait jamais la voix. Il avait horreur de la violence et n’aimait pas les réactions autoritaires. Il me le dit sans hésitation : « je déteste les chocs frontaux. » A tel point qu’il se retenait d’exprimer son point de vue face à une opposition un peu forte.
-
Les détails que Nicolas me donna sur les difficultés que traversait son entreprise confirmèrent que les problèmes venaient effectivement de sa hantise des chocs frontaux. Ne pas imposer son point de vue à des moments où il aurait dû le faire, avait eu des conséquences assez graves pour ses affaires. Il admit être fait pour exercer le pouvoir mais il reconnut qu'il renonçait à ce pouvoir qui le ramenait à ses douleurs d'enfance. Il vit cependant que son besoin de liberté était beaucoup moins fort que son désir de diriger, désir frustré par sa peur des conflits.
-
Nous nous mîmes à chercher qui Nicolas pourrait être pour redéployer son potentiel de bâtisseur et de patron. Il voulait être un homme de plaisir, enthousiasmant, passionné, confiant, amical : c'était la stratégie qu'il avait mise en place face à l'autorité de son père. Elle le mettait à l'abri de la douleur mais elle ne lui permettait pas de développer sa vraie nature.
- -
Après quelques tâtonnements, Nicolas choisit d’être « solide » car cela lui permettrait d’exercer son pouvoir sans craindre d’être violent. Être solide, c’était ne pas renoncer, ne pas plier, ne pas faiblir mais sans violence, sans haine, sans agressivité, avec justesse, équité, voire même délicatesse.
-
Nicolas se revit dans les situations de conflit et imagina ce qu’il aurait obtenu, s’il avait été « solide ». Il sentit qu’il pouvait « être » un patron solide, capable d’exercer le pouvoir sans réveiller de vieilles douleurs. Il sentit qu’être solide lui permettrait d’être lui-même. Cela ne l’empêcherait pas d’être passionné, enthousiasmant, amical et toutes ces choses qu’il avait choisies comme antidotes à la souffrance. Mais par-dessus tout, cela lui permettrait d’être pleinement lui-même.
-
Dans les jours et les semaines qui suivirent, Nicolas puisa énormément d’énergie et d’inspiration dans sa décision d’ « être » solide. L’enfant en lui fut rassuré et cessa progressivement d’empêcher l’adulte d’exercer son autorité. Nicolas n’abdiqua plus devant l’opposition à l’intérieur et à l’extérieur de son entreprise qui se portait de mieux en mieux.
- Retour à la page d'accueil