A 33 ans, Anne avait une carrière déjà bien remplie. Plusieurs stages d’été aux Etats-Unis pendant ses études, un premier job à Denver puis un autre à Tokyo. De retour à Paris, elle avait créé un cabinet conseil avec un ami, spécialisé dans le travail collaboratif.
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La variété des missions et les mouvements incessants lui convenaient parfaitement. Lorsque je la rencontrai, un des ses rêves étaient de repartir, au Canada ou ailleurs, et de donner à son cabinet une stature internationale.
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Elle fit appel à mes services car elle éprouvait une frustration grandissante de ne pas pouvoir concilier ses ambitions professionnelles, familiales et sociales. Peu de temps après son retour en France, elle avait mis au monde deux enfants. Il lui était donc plus difficile de travailler autant tout en consacrant le temps et l’attention nécessaires à sa famille. Quant aux amis, cela était devenu quasiment impossible.
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Nous commençâmes par un échange sur son potentiel inné. Tout ce qu’Anne avait fait jusqu’alors était en parfaite cohérence avec ses traits de caractère dominants : ouverture au monde, altruisme, générosité, compassion, grande sensibilité, idéalisme. Le goût des voyages, du changement, de la liberté, du renouveau. Le besoin de venir en aide aux autres, de les guider dans leurs choix. L’envie de grandir et de faire grandir. La capacité à organiser et construire du solide. Anne était bien dans sa peau et se sentait à sa place.
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Je lui posai ma question préférée : « qui voulez-vous être pour développer votre potentiel plus et mieux ? ». C’est une question embarrassante. Généralement, mes interlocuteurs préfèrent évoquer ce qu’ils peuvent faire ou ce qu’il leur faudrait avoir. Anne parla d’activités humanitaires, de donner plus, d’être plus audacieuse, d’aller jusqu’au bout des choses. Et puis, elle ajouta : « je ne veux plus être hypersensible, je me méfie des hyper émotions ». Cette phrase qui venait en dernier me semblait avoir plus d’importance que le reste. J’y décelai un conflit interne entre sa grande sensibilité aux besoins des autres et son goût pour la liberté, pour l’indépendance.
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Anne exprimait une grande exigence vis-à-vis d’elle-même et peu de satisfactions même si elle en avait de nombreux motifs. Ses paroles trahissaient sa frustration devant l’impossibilité d’accomplir tout ce qu’elle voulait accomplir. Tout ce qu’elle voulait faire pour les autres et pour elle-même. Au lieu de voir à quel point elle était exigeante avec elle-même, elle se reprochait de ne pas être suffisamment ambitieuse et généreuse.
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Lorsque je lui demandai de trouver un adjectif qui qualifierait la personne qu’elle devrait être pour être plus heureuse, elle me répondit : « équilibrée ». Je sentais que nous approchions du but. « Capable d’équilibrer le rationnel, l’émotionnel et le social » ajouta-t-elle. Anne voulait pouvoir atteindre ses objectifs professionnels, rentrer à temps et en forme le soir pour s’occuper des ses enfants et consacrer du temps à ses amis et à une association qu’elle avait envie de créer. Superwoman était de retour.
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« Et si vous choisissiez d’être centrée », lui proposais-je. Je vis tout de suite l’effet provoqué par ce mot. Le regard d’Anne changea. J’y vis plus de confiance, de l’apaisement. « C’est vrai, j’ai besoin d’être plus centrée, si je suis plus centrée, ce sera beaucoup plus facile ».
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Anne s’était heurtée à certaines limites. Son ouverture au monde, sa sensibilité aux autres et sa capacité à rêver un monde meilleur la poussaient en permanence à se lancer des défis. Son idéalisme la poussait à se reprocher de ne pas les relever tous. Son niveau d’exigence lui interdisait d’être patiente, conseil qu’elle avait pourtant entendu plusieurs fois de ses proches.
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« Être centrée » lui permettrait de rester exigeante tout en cessant de vouloir tout réussir avant d’avoir atteint ses 40 ans. Être centrée lui permettrait de choisir ce qui lui semblait le plus important aujourd’hui et de renoncer momentanément au reste, sans en être frustrée.
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Durant les semaines et les mois qui suivirent, Anne observa son comportement, ses pensées, ses paroles afin de constater simplement ce qui la rapprochait de « l’être centré » qu’elle voulait être et ce qui l’en éloignait. Nous discutions de temps en temps au téléphone et je pouvais constater que, sans avoir tenté de se changer elle-même, son comportement évoluait et elle se sentait plus épanouie, plus satisfaite, mieux dans sa peau.
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