A 30 ans, Pauline avait déjà beaucoup porté sur ses jeunes épaules. Son sens inné et aigu des responsabilités ainsi que son statut de fille unique, l’avaient amenée très tôt à se sentir concernée par les difficultés de ses parents que ces derniers exprimaient peut-être un peu trop. Elle avait l’impression d’avoir toujours tout pris très au sérieux. Heureusement, son degré élevé d’autonomie, sa détermination et sa capacité à relever les défis lui avaient permis de ne pas être écrasée par cette charge. - Née pour protéger les autres, elle avait commencé à jouer son rôle très jeune, trop jeune sans doute. Affectée par la fragilité de ses parents et ne sentant pas suffisamment en sécurité, elle avait assuré sa propre protection en évitant de s’exposer inutilement. Sa stratégie pour éviter la douleur avait consisté à ne pas trop attendre le soutien des autres afin de ne pas être déçue. - Sa relation aux autres était donc largement à sens unique : les aider et les prendre en charge mais ne compter que sur elle-même pour satisfaire ses propres besoins. - Lorsque je lui demandai ce qui, éventuellement, l’empêchait d’être plus épanouie, Pauline me répondit qu’elle n’avait pas de difficultés particulières : réponse logique de quelqu’un qui ne se laisse pas facilement aller. J’insistai gentiment. Pauline me confia qu’elle avait peut-être la sensation d’en faire trop, d’être celle qui fait toujours preuve d’initiative et qui n’obtient que rarement le soutien des autres. La naissance de sa fille, deux ans plus tôt, avait comblé son instinct maternel hyper développé mais en même temps, son besoin d’être soutenue s’était accru, augmentant d’autant la frustration de ne pas l’être suffisamment. - Je lui demandai alors qui elle voulait « être » pour de ne plus sentir ce poids excessif sur ses épaules et continuer à déployer son talent de protectrice sans en subir les inconvénients. Pauline me dit qu’elle voulait relativiser, prendre du recul, car « tout n’était pas aussi grave qu’elle le pensait ». Je lui suggérai que peut-être, elle n’incitait pas les autres à lui venir en aide. Peut-être, les autres finissaient-ils par croire qu’elle n’avait pas besoin d’être soutenue, aidée, protégée. Sa nature protectrice était si dominante ! - Pauline sentait qu’elle avait besoin de liberté. Elle se sentait enfermée dans le rôle qu’elle jouait. Elle voulait que les autres s’occupent d’elle en retour. Après quelques minutes passées à réfléchir aux différentes manières d’y parvenir, elle se rendit compte qu’il lui fallait exprimer ses besoins. Toute à sa stratégie de prise en charge des problèmes des autres et de protection d’elle-même, elle ne prenait jamais le temps d’exprimer ce qu’elle attendait d’eux, ce qu’ils pourraient lui apporter. N’était-elle pas celle qui installait la relation à sens unique ? - Exprimer ses besoins de façon légère allait lui permettre de ne plus tout prendre au sérieux tout en donnant envie à ses proches de répondre à ses attentes. - Pour y parvenir, Pauline choisit d’être « extravertie » : elle pourrait ainsi continuer à prendre en charge les autres en cessant d’être celle dont on n’attend tout. « Je m’occupe de tes besoins mais j’ai besoin que tu fasses pareil pour moi ». -- Son choix étant fait, je lui suggérai de s’observer chaque jour pour voir si ce qu’elle allait faire, penser et dire, lui permettrait d’être extravertie ou l’en éloignerait. Je lui recommandai de ne pas chercher à changer son comportement et encore moins à se changer elle-même. La seule observation quotidienne allait lui permettre de prendre conscience de ses envies et de déclencher les changements progressifs et faciles car favorisant l’épanouissement de sa nature profonde. Elle allait pouvoir prendre en charge les autres en cessant de nier ses propres besoins. -- Dans les mois qui suivirent, Pauline constata qu’être extravertie lui permettait effectivement d’exprimer ses besoins, ce qui permettait aux autres d’en tenir compte, parfois. Cela lui apporta un certain réconfort mais ce qui eut le plus grand impact, ce fut le nouveau regard qu’elle portait sur elle-même, sur le rôle qu’elle avait envie de jouer auprès des autres. Son sens des responsabilités et son talent pour la prise en charge des autres ne se développaient plus au détriment de son bien-être. Elle pouvait être tournée vers les autres tout en prenant soin d’elle-même.
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