A 47 ans, François avait une vie bien remplie. Ingénieur de formation, il avait longtemps travaillé en entreprise pour devenir consultant vers l’âge de 40 ans. Avec ses trois enfants et une femme directrice des ventes chez un fabricant de textiles, François ne voyait pas le temps passer.
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Son métier lui correspondait bien. François était naturellement porté à prendre les autres en charge, à assumer des responsabilités, à protéger ses proches dans le cadre familial et professionnel. Il avait par ailleurs une grande ouverture au monde, un goût pour tout ce qui est nouveau, pour le changement en tant que tel. Un besoin de liberté et d’autonomie pour donner libre cours à sa créativité.
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Lorsque je demandai à François s'il était d’accord avec ma description de son potentiel, il me répondit : « je suis d’accord avec la première partie mais pas la seconde. Oui pour le sens des responsabilités et la prise en charge de mon entourage, oui pour l’ouverture au monde et la curiosité. Mais non pour le goût de la liberté et du changement. Non pour la créativité et l’autonomie. »
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Il est tout à fait possible que je me trompe mais, très souvent, mes interlocuteurs ont des talents qu’ils ignorent ou plutôt qu’ils sous-estiment.
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François me raconta sa jeunesse, sa famille très « conformiste et pas fun », sa mère et son sens aigu du devoir, toujours au service des autres, jamais à l’écoute de ses propres besoins. François se souvint de son ami chez qui, très jeune, il s’évadait très régulièrement et dont les parents l’avaient accueilli si souvent et avec tant de gentillesse. François conclut : « je ne suis pas créatif, je n’ai pas de passions fortes, j’ai fait les choses par facilité, j’ai fait des non-choix. »
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« Et l’indépendance et le changement, lui demandai-je ? Vous m’avez dit être beaucoup plus heureux comme consultant que comme salarié pour cette raison ». François reconnut qu’il aimait la nouveauté mais il y voyait plus une faiblesse qu’une force, plus un défaut qu’un talent.
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Je décidai d’ouvrir une fenêtre vers le futur et de fermer celle du passé : « qui voudriez-vous être, lui demandai-je, qui vous permettrait de mieux développer votre potentiel ? ». François parla de confiance en soi. Nous en manquons presque tous. Il parla d’humour : « tout a toujours été trop grave ». Il parla de légèreté. Il ajouta : « je sais que j’aime le changement mais je n’arrive pas à en retirer quelque chose de bien pour le partager avec les autres ».
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François aimait la liberté et la nouveauté mais il pensait que rien de sérieux ne pouvait en sortir. Il voyait son goût pour le changement comme une frivolité au lieu d'y voir un talent à imaginer un monde meilleur.
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François eut un peu de mal à trouver qui il pourrait être pour desserrer les freins qui l’empêchaient d’être pleinement lui-même. Il finit par trouver, non pas un qualificatif, mais une image qui le stimulait beaucoup : celle du "Roi des masques", ce saltimbanque chinois qui changeait de masque en deux secondes, le temps de baisser et de relever la tête, sous les yeux émerveillés des spectateurs de la rue.
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« Être » le Roi des masques me sembla une excellente idée. Cela revenait à attribuer aux changements, à la nouveauté, des qualités remarquables, fascinantes, admirées par la foule. Pas étonnant que François ait été impressionné par le personnage de ce film.
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Roi des masques, Françoise pouvait l’être en passant sans cesse du rôle de mari, de père, de fils, de consultant, d’ami, de confident, d’animateur d’association..., tantôt sérieux, triste, gai, écroulé de rire…. Et tout cela sans qu’aucun de ses rôles ne l’empêche de jouer les autres. Parce que sa capacité à passer de l’un à l’autre était un de ses grands talents, celui grâce auquel il pouvait être plus riche et plus généreux chaque jour.
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François me confirma qu’être Roi des masques lui donnait l’impression que tout serait plus facile. Je lui demandai donc de s’observer chaque jour afin de voir si ce qu’il allait faire, dire et penser, le rapprocherait de qui il voulait être. « Ne cherchez pas à vous changer, c’est trop frustrant et contreproductif. Contentez-vous de vous observer en train d’être le Roi des masques. Ce n’est pas difficile mais il faut que vous le fassiez chaque jour ! ».